Vous envisagez un visa E-2 ? Attention au bail commercial !

Vous voulez venir vous installer en Floride et changer de vie ? Excellent choix !

Mais attention: les Français voulant s’installer aux USA et faire du commerce ( avec un visa E-2 notamment ) commettent en général l’erreur fatale de considérer que les USA ne sont rien d’autre que la France en anglais. Il est normal de s’exporter avec sa culture, notamment légale, et nous savons par notre expérience que le droit français offre une protection considérable au locataire de murs commerciaux, et cela nous semble normal. Et pour cette raison, beaucoup de Français ont le réflexe de négliger de s’enquérir du bail commercial qui va accompagner leur business.

Or, vous devez savoir que le droit Floridien offre une protection légale au locataire commercial (que l’on appelle “tenant” ou “lessee”) extrêmement limitée, aux articles 83.001-83.251 des Florida Statutes (2017). Il n’y a pas de dispositions, comme en droit Français, imposant une durée minimum à un bail commercial ou bien donnant droit à son renouvellement à expiration. Il n’y a pas non plus de disposition régissant la manière dont le loyer peut être augmenté. La liberté contractuelle est immense en la matière et le droit Floridien considère que si vous prétendez faire du business, eh bien soyez un(e) business(wo)man et négociez!

Lorsque vous envisagez de demander un visa E-2, vous avez deux possibilités: la création ou le rachat d’un commerce existant. Dans les deux cas, l’existence d’un point d’ancrage physique (= un local commercial) de votre futur business est primordiale.

Dans le cadre d’une création, vous êtes parmi les plus chanceux car vous allez en général trouver un local inoccupé et pouvoir négocier votre contrat de bail commercial. Mais quant est-il du rachat de business?

Ici encore, il y a deux possibilités: soit le vendeur du fonds vous transmet, avec l’accord du propriétaire des murs (que l’on appelle “landlord” ou “lessor”), son bail existant (on dit que le bail vous est “assigned”), soit cette transmission n’est pas autorisée par le propriétaire, et vous devrez négocier avec lui un nouveau bail, et très bien pour vous.

Mais pour le cas où un bail commercial va vous être assigned, c’est-à-dire transmis en même temps que le business, c’est là où vous devez être très vigilant.

Déjà, en ce qui concerne la première étape: l’obtention du visa.

Certains avocats d’immigration exigeront de vous – et ils auront raison – que vous leur apportiez un bail d’une durée (ou une durée potentielle) d’au moins 5 ans, c’est-à-dire correspondant à la durée maximale du premier visa E-2 émis par l’ambassade américaine pour les Français. Cela n’est pas requis par la loi, mais c’est largement préférable et cela montre un engagement sérieux de venir s’installer et faire du commerce aux USA. Donc, attention à la durée du bail restante en cas d’assignment.

Mais votre visa E-2, une fois obtenu, va prendre vie.

Il va falloir maintenant gérer le business, et le faire grandir plus ou moins conformément à votre business plan si vous voulez pouvoir le renouveler dans 5 ans (et vous le voudrez…). Le problème étant que, si votre bail commercial vous a été assigned, vous allez être tenus à des obligations négociées par quelqu’un d’autre. Si certaines clauses sont “anodines” pour un citoyen américain ou un résident permanent (qui eux, ne seront pas un jour soumis au contrôle de la bonne marche de leur business par l’immigration américaine), ces mêmes clauses peuvent avoir un effet catastrophique en ce qui vous concerne, détenteur d’un visa E-2. En effet, certaines clauses peuvent tout simplement freiner considérablement votre expansion économique et en conséquence mettre en danger votre visa E-2 en vous empêchant de qualifier au moment où il faudra le renouveler.

Quelques exemples, la liste est non exhaustive:

  • clauses relatives à l’augmentation du loyer: certains propriétaires sont raisonnables, et prévoient une augmentation de loyer en général de 3 ou 3,5% annuellement. D’autres le sont moins, l’augmentation est prévue deux fois par an ou plus, quand il n’y a pas un supplément de loyer à payer dès que vous atteignez un certain chiffre d’affaire! Très difficile de dégager un bénéfice net et croissant dans ces conditions.
  • clauses de relocation: ce type de clause est commune lorsque le business se trouve dans le cadre d’un complexe commercial du type mall qui appartient à un seul et même propriétaire. Le propriétaire du mall se réserve le droit, à discrétion, de vous déplacer. Certes, avec le même loyer et la même surface, mais ailleurs. Exemple vu à mon Cabinet récemment: un commerce de restauration était situé au rez-de-chaussée d’un mall de 3 étages, face à une plage. Le propriétaire avait le droit de reloger le locataire, notamment au 3ème étage, côté rue, là où le passage était bien moindre. Autant mettre la clef sous la porte de suite…
  • clauses limitant votre activité: ce type de clause est commune également lorsque le business se trouve dans un mall. Elles ont pour objet d’éviter la concurrence entre les businesses du même secteur géographique, et de renforcer la spécificité commerciale de chacun. C’est une bonne chose, sauf que ce type de clause peut tout simplement vous empêcher de diversifier vos produits et en conséquence, d’accroitre vos revenus.

En conclusion: le bail n’est pas accessoire à votre business, il est essentiel. Ne négligez pas de vous en enquérir dès que vous trouvez un business à racheter qui vous intéresse et soumettez-le au préalable à un avocat spécialisé. Il est aussi important d’examiner le bail sous l’angle de vue spécifique du statut E-2, pour les raisons exposées ci-dessus.